L'Autre Laurentides

Article no. 08

Jean-François Tessier

L’autobus vers Amqui n’avait pas de départ cette journée-là

par Jean-François Tessier

 

Pas pire énergumène ado attardé devenu papa, quasi-punk de fin de semaine devenu semble-t-il fonctionnaire de l’enseignement, un peu militant au quotidien aussi, je regarde autour de moi ce que les humains font et je m’inspire des meilleures pratiques pour tenter d’exister le mieux possible. Ça marche pas pire. Des fois. Sauf quand je chante. Mais au karaoké j’ai le droit. Deux tounes disons. Négociable.

Les blogues de L’Autre Laurentides ont été créés par nos résident.e.s. Laisse-toi charmer par leurs mots, leur voix et/ou leurs images; c’est l’occasion de découvrir cette région qu’ils.elles affectionnent à travers leur cœur, tes yeux et tes oreilles.

L’Autre Laurentides est un accident dans ma vie. Lorsque le Cégep de Mont-Laurier m’a appelé pour une entrevue, je me demandais où était le cégep à la station de métro Laurier… J’avais appliqué dans tous les cégeps de la province, j’étais dû pour un changement, je croupissais à la Cour municipale de Montréal, une sentence pour maîtrise non terminée. Des années plus tard, je découvrirai l’intérêt économique des universités à allonger la rédaction finale… et la dépression (normale) de maîtrise…

Étant Québécois à Montréal-Nord, j’étais déjà une minorité ethnique et en avait acquis l’accent, le style et les influences musicales et culinaires. De me retrouver dans les Hautes-Laurentides, ça a certes nécessité une adaptation en tant que nouvelle minorité culturelle ! J’ai été très bien accueilli par les jeunes adultes qui tentaient tant bien que mal d’enrichir la vie culturelle de leur vie de région. Le Café-Coop Solime-Alix a été un facteur important de mon intégration, malgré sa brève existence et ses difficultés économiques, c’est là où j’ai rencontré plusieurs des personnes significatives qui font encore partie de mon paysage humain. C’est là où j’ai compris qu’en région, on est polypraticiens et on peut vraiment et facilement faire la différence. On n’a pas à se battre pour faire sa place, il y en a en masse de la place !

Mais c’est l’amour d’abord (et encore) qui m’a attaché à la région. J’ai rencontré ma partenaire-socio-affective, ma tendre-moitié-hypothécaire, ici. Ma blonde néo-terroir est la personne qui m’a fait apprendre à lever les pieds en marchant dans un sentier, à remarquer la lumière particulière à certains moments de la journée, à prendre plus le temps d’apprécier la quiétude plutôt que de chercher perpétuellement l’excitation au goût du jour. Elle qui a su faire rayonner la langue française et la culture québécoise à tous les postes qu’elle a occupés : enseignante de littérature, journaliste, éducation forestière, formatrice en francisation, scénariste de jeu vidéo, conseillère andragogique. On dirait que je nomme 7 personnes, mais là encore nos talents sont mis à profit de multiples façons dans L’Autre.

Et c’est encore l’amour qui m’a fait rester dans la région. Notre petit nid de paradis en forêt, on l’a construit nous-mêmes, et quand un petit oisillon est venu s’y déposer, c’est un peu à ce moment-là que j’ai compris la richesse de ma région d’adoption. De la place pour se faire des cabanes, faire du vélo, des feux, prendre quelques bières avec les amis… qui se sentent si bien qu’ils et elles ne veulent plus repartir, prolongent leur séjour d’une ou deux journées, viennent deux fois par année éventuellement. Sans parler du confinement pandémique en région par rapport à un 3½ au 3e étage et pas de cours de la Métropole… Faudrait me payer bien cher pour retourner habiter en ville ! Je suis partant peut-être pour un chalet sur le Plateau, quand le 514 et le 450 nous envahissent l’été, mais pas plus.

La rencontre avec mes beaux-parents a donné lieu à quelques situations intéressantes : le « c’est quoi s’affaire-là que tu nous a rapporté, ma fille ! » a été remplacé par « on en a fait un vrai gars de région ! ». J’avoue que l’apprentissage de la scie mécanique, aller porter les poulets à l’abattoir, le canon à patate, tout cela ne faisait pas partie de ma quotidienneté citadine. J’ai dû prouver ma valeur et ça m’a fait vivre de belles expériences. Même aller voir des cours de motos sur lac gelé l’hiver, même le Ranch El-Ben ! Faire son sirop d’érable est une étape importante dans ma vie rurale, et après plusieurs erreurs de débutant, je suis fier de dire que l’on est capable d’en faire du pas mal bon !

Lorsque mes parents vieillissants ont décidé d’adopter L’Autre Laurentides, je me suis trouvé chanceux d’avoir à proximité ceux qui font encore presque tous les dimanches une promenade de char et découvrent les beaux coins de la région, en parle avec émoi. À peine sont-ils arrivés que les voilà ambassadeurs du Nord, bénévoles dévoués, voisins bienveillants qui animent leur quartier.

L’Autre Laurentides, c’est aussi une région avec ses difficultés : économiques, sociales, la distance pour les soins de santé spécialisés, etc. Je le sais qu’il faudrait des changements importants pour être à la hauteur des besoins, mais je suis fier de contribuer au Centre de pédiatrie sociale en communauté Antoine-Labelle, qui tente de faire vivre des petites victoires aux enfants en situation de vulnérabilité. C’est une petite goutte qui fait toute la différence dans la vie de ces quelques 200 bambin.e.s.

Sur le plan professionnel, j’ai la chance de côtoyer les décideurs de demain, les professionnel.le.s qui pourront revenir aider ma région par leur expertise. Plusieurs d’entre eux n’ont pas eu la chance d’évoluer dans un milieu familial où les idées étaient librement discutées, où l’éducation était valorisée, où on leur demandait ce qu’ils et elles ont à dire. La philosophie que j’enseigne est un peu cette ouverture, et les questions qu’elle apporte permettent à plusieurs d’explorer une facette de leur identité – de leurs potentiels – qui n’avait pas été stimulée de la sorte. Je suis encore étonné de comment des garçonnets un peu désinvoltes nous venant du secondaire sortent avec une tête forte et capable d’impressionner par leur profondeur ; je suis encore étonné de comment des fillettes un peu arrogantes nous venant du secondaire sortent avec une assurance et une capacité à prendre la parole efficacement. Je suis content de tenter d’ouvrir leurs perspectives et de les voir s’émanciper sur le plan personnel, social, professionnel.

Si un autobus avait été disponible pour aller à Amqui pour cette autre entrevue à laquelle je ne suis jamais allé, il est possible que ce soit pour l’Autre Gaspésie que j’écrirais ce blogue, mais rien ne m’assure que je serais demeuré là. Je n’y aurais peut-être pas trouvé ma place comme ça a été le cas ici ; il y aurait eu autre chose certes, mais je doute fort que cet autre soit à la hauteur de ce sentiment d’être chez nous. Avec les oiseaux qui gazouillent en fin de journée au lieu des « flobes » qui font du bruit sur l’autoroute à proximité.

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