L'Autre Laurentides

Article no. 02

Marianne Roy-Venne

Se donner la réplique!

par Marianne Roy-Venne

 

Mon billet pour le blogue de L’Autre Laurentides tombe à point dans la fin de ma crise de la quarantaine, à 33 ans. Prématurée à la naissance, j’ai toujours eu deux coups d’avance sur tout le monde, y compris sur moi-même. Plus que jamais, je suis certaine que la personne que je suis est forgée par la nature diversifiée et florissante qui m’entoure, qui m’accueille. La quintessence de toute ma vie repose sur le milieu dans lequel je choisis de grandir, de voir mes enfants grandir. Il était essentiel pour moi, dans ce blogue, de créer et de jouer avec les mots, afin de rendre un peu à la nature des Laurentides ce qu’elle me permet d’exprimer au quotidien, ma grande vulnérabilité, mais aussi ma force à la fois.

Les blogues de L’Autre Laurentides ont été créés par nos résident.e.s. Laisse-toi charmer par leurs mots, leur voix et/ou leurs images; c’est l’occasion de découvrir cette région qu’ils.elles affectionnent à travers leur cœur, tes yeux et tes oreilles.

 

L’Autre Laurentides, c’est ma charpente. C’est ici que je me suis construite.

Fille de campagne, de champs et de la Lièvre, j’ai été confrontée très jeune au son de ma voix en écho que me renvoyait la petite vallée ferme-neuvienne où j’ai grandi.

Comme une réplique, du grand théâtre!

Ma cousine vous parlerait sans doute d’une voix aiguë et stridente, mais je me souviens juste que les montagnes me répondaient toujours.

J’ai une enfance heureuse, douce et calme. Je baigne dans la nature et l’amour.

Arbre de l'Autre Laurentides

Ma mère m’apprend les fleurs et les vivaces: des iris versicolores qu’elle néglige et qui poussent dans le champ, au houblon qu’elle prend soin de tresser, tout autour de l’arche.

Mon père nous amène pêcher, souvent quand le soleil se couche. Je suis chanceuse. Je suis chanceuse, il pique mes vers. Mon frère et moi, on l’achale pour  arrêter cueillir des quenouilles. On les égraine en deux minutes.

Chaque printemps, on fait du sirop d’érable. Je connais l’ère des chaudières: lourdes, trop pleines, qu’on souhaite presqu’échapper pour souffler un peu.

Mais, on n’ose jamais.

Je découvre rapidement la flore des bois. Je développe une passion pour les trilles, même si ça exaspère mon père que j’en cueille. Un peu de mon héritage, qu’il dit. Mes bouquets sentent le pourri après deux jours, mais je recommence, en cachette.

Je grandis, je vieillis, je pousse
Je me transplante plus loin, plus au sud
Pour voir si la lumière est meilleure
Bifurcation volontaire
Soif d’indépendance
Collection de possibilités

Le Windigo me manque. Ma forêt, les chardons et l’odeur de la ferme aussi.

Mes racines s’assèchent peu à peu et elles ne s’ancrent pas.

C’est trop venteux au sud, pour la samare que je suis…

En 2009, le printemps revient et il est synonyme d’éclats, de rayons jaunes et lumineux. De lenteur. Toutes ces effervescences me prennent de court et elles accélèrent mes battements de cœur, tout en ralentissant tout autour.

Dans ma tête, tout s’éclaire

Je revalide mes choix: si je continue ou si j’arrête

Si je pars ou si je reste
Mes Laurentides me manquent
C’est un puissant ressenti
J’y reviens toujours

J’y reviens. Accompagnée. Mariée, en fait!

 

On s’établit, on rénove
On savoure et on navigue
Les amis, la famille, les plans d’eau
Les emplois, un ou deux, pas plus

Les bébés

Rapidement, des enfants

Je prends moins le temps de crier au meurtre; ma galerie est dans un village. Mes montagnes me regardent, mais elles sont loin. Elles ne m’entendent pas toujours.

Néanmoins, je m’enracine ici, dans mon décor natal, familier, réconfortant.

Je suis bien et je respire bien.

 

Les années passent
Brillent, mais m’écorcent

Avril 2016, un nœud
Un nœud contre-nature
J’ai peur du Windigo jour et nuit
Pourtant, j’ai vénéré la nature
Premier bilan de ma vie…

Aucune montagne, pour me donner la réplique.

Au Diable!
Les années passent…
M’écorcent, mais je brille

Printemps 2022. Aujourd’hui.

C’est doux de savoir que la léthargie de l’hiver s’achève, comme un deuil qu’on couve et qu’on est enfin prêt à laisser partir. Comme un projet qu’on remet, pour qu’il se fasse construire, un devoir qu’on achève, dans lequel nous avons laissé un peu de notre âme.

 

Tout redevient abondance et espoir

Tout craque, s’active, pousse et renait

Bonheur et joie de vivre

Les papilles de mes sens sont quintuplées, à l’affût

Je manque de yeux pour tout voir

Je revis

 

La fleur qui pousse, le bourgeon qui perce, mes plantes qui font de nouvelles feuilles par dizaine. Mes petits semis qui s’étirent, curieux. Ceux qui croissent chez Papi et Mamie: des pommiers, le tronc-tige fier et dénoué, semés avec amour.

Je marche doucement, seule, mais au côté de mon monde en même temps. J’ai appris à être bien seule.

 

L’air sent le sucre: le début des sucres
Je sens. J’observe. Je touche
Travailler, plus lentement
Conduire, en regardant

Cuisiner, en goûtant, en ajoutant, en goûtant encore

Recommencer

Je me sens comme les anneaux de croissance d’un érable à sucre. Il y a mille et une étapes qui composent ma vie, mais il y a eu 2-3 entailles…

 

Des humains sur ma route.

Beaux.
Beaucoup.

En campagne comme au centre-ville.

J’ai soif de plus…

 

Mes enfants crient dehors, sortent les buts, dégèlent leurs amis et les camions et ils font des farandoles dans les rigoles. Ils sont ma plus belle entreprise.

Les rues redeviennent bondées, vivantes, belles. Les sourires, qui avaient hiverné beaucoup trop longtemps cette fois, sortent…Deux ans je crois…

Je suis chez moi ici parce que ce qui m’entoure, ma Nature, ancre mes convictions et mes valeurs. Elle me permet de me valider, de m’assumer, de poursuivre mes rêves.

Prête à faire des boucles lorsqu’on se lacera mal…

Chaque fois que j’endors les enfants à l’arrière de l’auto et qu’on décide d’aller se perdre dans la campagne infinie. Qu’on s’invente retaper les granges, les maisons rustiques.

Que les chevreuils sont comme des couleurs de plus au décor déjà si beau.

Chaque fois qu’on prend le temps de se retrouver, en roulant ensemble, le temps d’une sieste d’enfants.

 

Tout voir et tout entendre, ça donne le vertige

Un vertige qui goûte bon

On devient un relief dans notre propre vie

30 mars 2022

Deuxième bilan de ma vie

On croit souvent, à tort, que nous devons faire une rétrospection en début d’année, quand les cloches du Nouvel An sonnent.

Cette façon occidentale de rameuter les grands questionnements de nos vies dans une date, et d’y répondre, me rejoint de moins en moins depuis ce moment où j’ai dû défaire ce nœud qui allait étouffer ma vie…

J’ai rencontré, il y a trois ans, une humaine merveilleuse, qui m’a appris à voir le fil de la vie et les étapes de celle-ci avec des lunettes nouvelles à chaque saison, plutôt qu’aux fêtes traditionnelles.

Je me promène de plus en plus au gré de la température et de l’aléa des feuilles et des arbres: de leur bourgeonnement, de leur floraison à leur dormance.

 

Comme un pommier

J’apprivoise ma sensibilité et ma liberté

Celles que j’avais enfant

Comme la nature d’ici se montre à moi
Forte et vulnérable à la fois

Je décrète donc que nous nous posons encore ici pour quelques évènements, quelques étapes de notre vie…

Sur la terre familiale, idéalement. Pour faire notre nid. Même si c’est encore un
peu flou.

Je veux m’assurer que même les vents les plus forts et pluvieux de chaque saison ne me déracineront plus.

Quand, en mars, on se polarise soi-même, le printemps vient faire naître cela en nous: un bilan.
On s’accorde à nouveau.
Dans la forêt familiale, j’observe un trille pourpre.
Je le trouve beau où il est.
Il me réplique que lui aussi, il est bien à sa place…

 

Marianne Roy-Venne

 

Des mercis spéciaux à: 

Mes parents, pour le partage depuis toujours de la terre familiale et, ainsi, les belles photos.

Any-Pier Bohémier, pour ses yeux de lynx posés sur ce texte. Toujours justes et efficaces.

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