L'Autre Laurentides

Article no. 04

Étienne Bolduc

Une question de rythme

par Étienne Bolduc

 

Sherbrookois d’origine, fier Lauriermontois depuis deux ans. Papa de deux merveilleuses petites filles marié à une fille du coin. Passionné de cuisine et de bonne bouffe, de chasse, de pêche, de cueillette. Chasseur-cueilleur moderne sans la crainte de me faire attaquer par un tigre à dents de sable.

Les blogues de L’Autre Laurentides ont été créés par nos résident.e.s. Laisse-toi charmer par leurs mots, leur voix et/ou leurs images; c’est l’occasion de découvrir cette région qu’ils.elles affectionnent à travers leur cœur, tes yeux et tes oreilles.

 

Tout juste 17 ans, assez timide et un peu déboussolé, presque toutes mes dents, mais encore trop jeune pour ouvrir un compte au club vidéo, c’est ainsi que j’suis débarqué dans cette région que sont les Hautes-Laurentides. C’est gonflé d’une soif d’émancipation et poussé par mes passions que je me suis inscrit au cours en protection de la faune qui débutait à l’automne.

J’ai quitté la maison de mes parents, mes Cantons de l’est natal, ma côte King, mon mont Bellevue, mon p’tit lac Magog, la terre de mes grands-parents à deux pas du mont Orford, mes amis et ma famille sachant pas trop ce que j’pourrais bien trouver à 4 heures et quart de route de chez moi.

 

Mont-Laurier.

 

Installé dans une p’tite chambre d’un sous-sol que pouvait se permettre un jeune étudiant comme moi, depuis un bon 45 minutes, je braille le départ de ma mère qui me laisse maintenant voler. Après un demi pot de crème glacée Coaticook (tsé pour me rappeler que je suis de ce coin-là), j’suis sorti avec ma canne à pêche. C’était au pied de la centrale électrique, celle avec le gros néon rouge, aussi emblématique que l’enseigne du Five-rose à Montréal. À ce moment-là, dans le bruit des rapides et des vaguelettes venant mourir sur ce semblant de plage, j’ai pris la mesure de ce que je vivais. Je commençais à cet instant ma vie d’adulte. Je commençais à vivre par moi, mais surtout, pour moi.

J’ai donc commencé l’école pas très longtemps après, en y développant de nouvelles passions et de nouvelles amitiés. La chasse, qui avait toujours été pour moi une curiosité, est rapidement devenue une obsession plus qu’une passion (comme le dit aujourd’hui ma femme!). J’adorais et j’adore encore me retrouver dans le bois ou au milieu d’un champ aux petites heures du matin. Humer les odeurs, apprécier le décor, user de patience et surtout, ressentir l’adrénaline au moment où enfin on aperçoit la bête lumineuse¹. Une panoplie d’autres nouvelles expériences et connaissances sont ainsi venues remplir mon sac à dos.

Quelques semaines avant la fin de mes études, voulant me sortir un peu de ma gêne et me faire passer un bon moment, mes colocs m’ont traîné avec eux au bloc E (pour les non-initiés: l’endroit des partys de cégep!). C’est fou ce qu’un événement anodin dans une vie peut devenir marquant. C’est là que j’ai rencontré celle qui allait chambouler ma vie, une fille du coin, une fille de la région.

À notre rythme et en apprenant à nous connaître, l’amour a germé petit à petit entre nous. Cliché typique: le gars de la ville arrachant la fille du coin à sa région. Deux ans après cette fameuse soirée, pour sa propre émancipation à elle, nous nous sommes installés cette fois un peu plus au sud, dans les Basses-Laurentides. Habitant à ce moment-là à seulement deux heures de ma famille, nous faisions assez souvent la route vers mon patelin, mais je revenais quand même toujours à m’ennuyer des Hautes. J’en venais souvent même à me demander si je n’idéalisais pas en quelque sorte la région et si ma vue n’était pas teintée par des lunettes roses, car à chaque fois que j’y venais, j’étais soit en congé ou en vacances. J’y trouvais toujours la vie plus paisible et enviable.

J’ai continué comme ça pendant longtemps à me sentir chez moi ici. Tsé ce feeling d’enfin arriver chez soi. Ce sentiment d’appartenance de « je rentre à la maison ». Celui même qui m’a toujours envahi à la vue du mont Orford à 10 minutes de chez mon père. Ce même sentiment, je l’avais également à chaque fois qu’on revenait ici, ma conjointe et moi, pour visiter ses parents ou pour aller chasser. L’idée de revenir y vivre n’a donc jamais été bien loin. Mais la vie étant ce qu’elle est, nous nous sommes installés plus au sud et nous y avons graduellement aménagé notre nid. Un mariage, un premier enfant, une maison, un deuxième enfant. Bien que notre enracinement datait déjà de quelques années dans les Basses, je continuais constamment de chercher ce feeling d’appartenance que m’avait fait ressentir Mont-Laurier.

C’était de plus en plus difficile de retourner à la maison le dimanche soir après une fin de semaine dans la région.

 

L’appréhension de retrouver notre rythme de vie trop rapide, 182 km plus au sud, rendait encore plus difficile le simple retour au travail du lundi matin. J’en venais à envier cette paisibilité caractéristique des Hautes.

J’avais le désir de plus. J’avais envie de savoir que celui qui fait la baguette que je vais servir avec un tartare ce soir ben sa fille joue avec la mienne à récré, que le mécanicien du coin est le grand chum de mon beau-frère, que le p’tit resto d’à côté fait un plat à se rouler par terre avec les courgettes de madame Yolande du rang 4 sud. J’avais envie de plus. Plus de feux de camp au chalet. Plus de chasse à l’ours après le travail. Plus de pêche en famille. Plus de passes du matin à l’outarde avant le brunch. Plus de calme et de paisibilité. Plus de culture émergente. Plus de fait à la main. Plus de soirées sous les étoiles. Plus de proximité. Plus de chaleur humaine. Plus de tout, mais surtout, plus de tout ce qui fait des Hautes, les Hautes.

Est arrivée la pandémie. Temps de réflexion. Faire de l’ordre dans ses pensées sans qu’elles ne soient engourdies par l’acouphène d’une vie surbookée. Juste moi, elle et les deux filles à faire du maudit pain pas mangeable et à se convaincre, avec ½ livre de beurre, que c’est la meilleure affaire qu’on n’a jamais mangée. Un mois à réfléchir sur ce qu’on fait, sur où on va, sur ce qu’on veut pour les filles.

 

On vend-tu? On vend!

J’idéalisais tu vraiment le rythme de vie?

Pantoute!

 

¹PERRAULT, Pierre. La bête lumineuse, ONF, 1982.

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